Encourager les pratiques de l’agriculture biologique
“Grâce à mon travail de productrice de légumes biologiques, je peux participer aux dépenses liées à l’éducation des enfants et aussi nourrir ma famille de produits sains. Je n’achète plus aucuns légumes au marché” dit Clarisse Ilboudo, productrice au sein du groupement de femmes de Koubri, province du Kadiogo, Burkina Faso. Le groupement de femmes de Koubri est soutenu dans le cadre de la Situation d’Innovation Localisée (SIL) « Un label national pour l’agriculture biologique fondé sur le Système Participatif de Garantie », une filière agricole identifiée et soutenue par le projet CDAIS
Le label BioSPG du Burkina Faso est l’un des premiers labels biologiques national en Afrique de l’Ouest. La production biologique ainsi que le processus de certification sont des systèmes d’innovation dont le développement est soutenu par le projet CDAIS. L’acteur principal de cette filière est le Conseil National de l’Agriculture biologique : le CNABio, l’opérateur de labellisation biologique qui utilise la méthode du SPG.
Le Système Participatif de Garantie
Le Système Participatif de Garantie (SPG) pour la production biologique est une nouvelle forme de labellisation biologique qui implique les différents acteurs de la chaine de production agricole, afin qu’ils s’approprient les standards et la conformité de la production à ces standards. La spécificité de la méthode se trouve dans son caractère participatif et multi acteurs. En effet, le processus de labellisation est mené à 3 niveaux différents :
- Le Groupe Local de Contrôle (GLC): c’est un groupe restreint de producteurs, transformateurs et consommateurs. Il effectue de manière conjointe les contrôles sur le lieu de production/transformation.
- Le Bureau de Contrôle de l’Opérateur (BuCO): il relève d’une organisation membre du CNABio et organise les producteurs en GLC.
- Le Comité Central du CNAbio (CCC): il est un organe du Bureau exécutif du CNABio. Il est autonome dans sa prise de décision de certification.
Lorsqu’une exploitation agricole souhaite se lancer dans le processus de validation, les différents groupes sont tour à tour impliqués, depuis le contrôle des pratiques sur le terrain réalisé par les Groupes Locaux de Gestion, jusqu’à la validation du label par le Comité Central. Si l’agriculture biologique est en soi une innovation au Burkina Faso, dont l’agriculture est majoritairement dominée par l’usage abusif et non contrôlé de produits chimiques de synthèse, le Système Participatif de Garantie représente une innovation majeure dans le fait de l’implication des différents acteurs de la chaine dans le processus de certification. C’est une certification par les pairs orientée localement.
Accompagner les producteurs vers la certification
Clémence Samba est salariée du CNAbio et a été identifiée comme facilitatrice pour le CDAIS. C’est elle qui a accompagné le processus de labellisation de l’association Watinoma (littéralement « viens, c’est bon » en mooré, la langue locale), qui a permis l’installation du groupement de femmes sur son terrain. Assis à l’ombre du manguier, M. Ima Abdila raconte comment ils ont adhéré au processus de labellisation biologique soutenue par le CNAbio, et obtenue en octobre 2017.
« La présidente de l’association avait entendu parler du CNA bio et de la labellisation. Elle est venue et nous en a parlé. Au début, on n’était pas surs de vouloir s’engager dans ce processus, car on ne voyait pas vraiment l’intérêt. Après, on a compris qu’en réalité ça n’allait pas changer complètement nos façons de travailler, mais au contraire les renforcer et surtout nous aider à mieux mettre en valeur notre production ». M.Ima Abdila, coordinateur de l’activité de production biologique de Watinoma.
un atelier a été organisé le 09 octobre 2017 dans la salle de conférence du Ministère en charge de l’agriculture pour la remise du certificat BioSPG qui garantit l’intégrité biologique des produits issus des fermes certifiées à 16 organisations de producteurs dont l’Association Watinoma. Cet atelier a été entièrement financé par le projet CDAIS. L’organisation de cet atelier a été motivée par le fait que les produits certifiés bioSPG restent encore méconnus du grand public notamment les consommateurs et le faible engagement des autorités coutumières et politiques à soutenir l’agriculture biologique. L’objectif de cet atelier était donc d’assurer une médiatisation de l’innovation afin de susciter l’engagement des autorités politiques et coutumières dans la promotion de l’agriculture biologiques au Burkina Faso. Ainsi, cette activité rentre dans le cadre du renforcement des capacités des acteurs de la SIL à influencer les processus stratégiques et politiques, et à collaborer. Pour ce faire, une diversité d’acteurs a été conviée à cet évènement. Ce sont les autorités coutumières et politiques, les services techniques de l’Etat, les Associations et ONG, les institutions de recherche, les consommateurs et les acteurs du CNabio. Au total, quatre-vingt-dix personnes ont été présentes. La cérémonie a bénéficié d’une grande couverture médiatique (presse en ligne et audio-visuelle). Elle a été retransmise au journal de la télévision nationale du Burkina Faso.
Au cours de cet atelier un des grands chefs coutumiers du Burkina Faso, Son excellence Le Larlé Naba Tigré, a fait un témoignage édifiant : « l’arme alimentaire est l’arme la plus fatale qui soit, ainsi j’invite les différents acteurs agricoles et la presse à travailler ensemble pour une promotion de l’agriculture biologique dont le SPG est la clef de voute».
Les freins à la production et la labellisation biologique
La crainte de ne pas avoir de débouchés pour les produits biologiques du fait de la forte concurrence des produits conventionnels est un frein pour s’engager dans le processus de labellisation biologique. Le CNAbio a ici joué son rôle d’accompagnement en rassurant les nouveaux adhérents sur l’existence d’un marché biologique à forte valeur ajoutée et en mettant en réseau les nouveaux adhérents et les consommateurs des produits biologiques. Mme Clémence Samba met en avant les pages du site internet du CNAbio qui répertorient les points de vente de produits biologiques : « nous avons beaucoup de consommateurs qui nous demandent ou ils peuvent acheter des produits issus de l’agriculture biologique. Pouvoir répertorier les producteurs et leur donner plus de visibilité est l’une de nos missions. » Ainsi, plus de consommateurs pourraient venir acheter leurs produits sur place, a la ferme.
« La question de la commercialisation est un challenge. C’est ici que le projet CDAIS peut appuyer le CNAbio, afin de renforcer nos capacités à structurer notre réseau de partenaires et donner plus de visibilité à l’agriculture biologique » Clémence Samba, facilitatrice pour le CDAIS de la SIL SPG.
L’appui aux groupements de femmes productrices
Mme Ilboudo Clarisse est l’une des agricultrices qui cultivent une parcelle biologique. Elle est aussi la vice-présidente du groupement des femmes. Avant d’être agricultrice, Mme Ilboudo était revendeuse de légumes au marché : « aujourd’hui je suis plus épanouie car je vends ma propre production, donc je connais sa qualité. Mes légumes sont plus petits que ceux de l’agriculture conventionnelle que l’on trouve en abondance au marché, donc j’ai du mal à les vendre car, pour le même prix, les gens veulent plus de quantité. Et pourtant, mes produits sont meilleurs à manger car ils sont saints! » Grace aux revenus de ses ventes, elle peut participer aux frais de la maison et notamment aux frais de scolarisation. Elle nourrit aussi directement la famille grâce à sa production.
Environ 20 femmes travaillent sur ce champ, dont seulement la moitié est cultivé par manque d’un système d’irrigation assez solide pour alimenter la seconde partie. L’association Watimona pense qu’il faudra changer la pompe qu’ils ont installé et investir dans un système plus avancé ainsi que dans la création de 2 nouveaux réservoirs d’eau. En attendant ce changement, le recherche d’autres pistes, telle que l’irrigation par jarres enterrées pourraient être testée sur certaines parcelles. En plus du soutien financier et technique, l’association est aussi un client des productrices puisque 30% de la production du terrain est utilisé par Watimona pour cuisiner dans la cantine de son école…cantine dans laquelle mangent les enfants des productrices ! Les externalités positives de la production biologique sont directement dirigées vers les enfants scolarisés.
« Nous avons encore beaucoup de travail de sensibilisation et d’information à faire auprès des consommateurs et même auprès des autorités qui ne se saisissent pas de l’opportunité que présente l’agriculture bio. C’est pour cela que nous allons bientôt lancer un spot radio : pour toucher un plus large public » explique Clémence Samba, du CNAbio et facilitatrice de la SIL SPG. Les avantages d’une culture biologique pour la santé humaine sont peu communiqués au Burkina Faso, et l’appui de la recherche et la diffusion des résultats des études sont indispensables pour le passage à l’échelle du SPG et de l’agriculture biologique.
Dans les ateliers d’identification des besoins en renforcement de capacités de la SIL SPG menés au début du projet, le CDAIS a pu faire émerger la parole des acteurs de cette SIL. Le manque de collaboration et de concertation entre les différents acteurs a été pointé, et les acteurs ont commencé à répondre à ce besoin sans attendre l’intervention du CDAIS. Ainsi, une rencontre entre acteurs de la production biologique a lieu chaque mois à Ouagadougou et a déjà fait émergé une idée d’organiser une foire des produits biologiques à laquelle participeront les femmes de Koubri.
Et demain ?
“On espère qu’on va réussir à produire beaucoup plus sur nos terrains, car on voit que nos techniques marchent : avant notre sol était pauvre et on avait des problèmes avec la production qui ne poussait pas beaucoup. Aujourd’hui on voit qu’avec l’agriculture biologique notre sol produit des bons résultats donc on veut continuer et accroitre notre capacité productive » disent les agricultrices