C’était un marché des idées innovantes, qui a réunit un cocktail de partenaires
Le premier Marché des Innovations Agricoles (MIA) au Burkina Faso a eu lieu le 6 juillet 2017 à l’hôtel Laïco, à Ouagadougou. Il s’est tenu à « guichet fermé » : seuls les fournisseurs de service support à l’innovation et les bailleurs pré-identifiés par l’équipe du projet CDAIS comme étant pertinents pour renforcer les capacités des acteurs des SIL ont été invités à y participer.
Le contexte : répondre aux besoins d’appui de porteurs d’innovations agricoles
Au Burkina Faso, le projet CDAIS a identifié six Situations d’Innovation Localisées (SIL) dont les acteurs ont manifesté des besoins en renforcement de capacités techniques et fonctionnelles afin de faire aboutir leur innovation. Il s’agit :
- De systèmes de micro-irrigation goutte-à-goutte pour la petite agriculture familiale ;
- D’un label pour l’agriculture biologique (BioSPG) ;
- De l’utilisation des NTICs dans les services de conseil agricole fournis par les organisations de producteurs à leurs membres;
- Du développement de la filière tournesol ;
- De l’appropriation de la démarche de charte foncière par les communes ;
- Du développement de micro-entreprises familiales dirigées par des femmes innovantes dans les procédés de transformation agro-alimentaires.
Le principal objectif du projet CDAIS est de renforcer les capacités fonctionnelles des six SIL identifiées.
L’évaluation participative des besoins en renforcement de capacités de ces SIL a permis l’élaboration d’un plan d’accompagnement pour chacune d’elles. Chaque plan mentionne les objectifs prioritaires pour progresser dans la conception, le développement ou la diffusion de l’innovation, ainsi que les capacités collectives à renforcer pour que l’ensemble des acteurs concernés puissent contribuer à ces objectifs. Un ensemble d’activités à mener a ainsi été identifié, mais elles requièrent des appuis extérieurs aux acteurs de la SIL.
Pour identifier ces appuis, les plans d’accompagnement ont été présentés tout d’abord à un niveau politique, lors d’un atelier qui a réuni le Ministère de l’Enseignement Supérieur de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (MESRSI) et ses partenaires en charge de mettre en œuvre la Stratégie Nationale d’Innovation. L’enjeu était d’obtenir une validation des stratégies d’accompagnement proposées et de s’assurer qu’elles sont en phase avec les actions d’appui à l’innovation menées par le MESRSI qui coordonne le projet CDAIS.
Dans un second temps, les plans d’accompagnement ont été présentés lors du Marché aux innovations Agricoles, organisé par le projet CDAIS, de façon à susciter l’intérêt de fournisseurs de services support à l’innovation et des bailleurs de fonds pour répondre aux besoins d’appui des acteurs des SIL.
Un Marché des Innovations Agricoles tenu à « guichet fermé »
Quatre-vingt personnes, hormis les organisateurs, étaient conviées. Elles provenaient de diverses organisations, publiques ou privées dont par ordre d’importance : des associations et ONG d’appui au développement agricole, des services publics de l’Etat, notamment l’enseignement et la recherche, des institutions financières et de micro-assurance, des services privés d’appui-conseil, des organisations de producteurs et transformatrices, des services gouvernementaux de coopération bilatérale, des agences privées de développement, des fonds d’investissements publics, des projet ou programmes de développement agricole.
Leurs principales motivations à répondre favorablement à l’invitation qui leur a été faite étaient de :
- Partager des connaissances sur l’innovation agricoles (51%)
- S’informer sur le projet CDAIS (51%)
- Rencontrer de nouvelles personnes (48%) ;
- Contribuer à la mise en œuvre du projet CDAIS (48%) ;
- Etablir des relations de partenariats ou d’affaires (44%)
- S’approprier les nouvelles approches et outils d’appui à l’innovation, créés par le projet CDAIS (44%) ;
- S’informer sur les Situations d’Innovation Localisées (SIL) (43%) ;
- Formuler des attentes à l’endroit du projet CDAIS (16%)
Une organisation minutée
Tout le succès de cet événement a tenu non seulement dans sa préparation en amont mais aussi dans son organisation minutée qui a permis à chacun de prendre connaissance des enjeux de renforcement de capacité des SIL, de découvrir les offres d’appui de fournisseurs de services support à l’innovation et de se prononcer sur son intérêt ou sa capacité à s’engager dans la mise en œuvre de chacun des six plans d’accompagnement.
L’ouverture officielle
Prévue à 9h, la cérémonie d’ouverture a finalement démarré à 10h du fait d’une pluie bienfaisante qui s’est abattue sur la ville de Ouagadougou.
Elle a lieu en présence des représentants des ministères en charge du développement rural, des ambassades, de la FAO et du CIRAD. A cette occasion un échange d’allocutions a lieu entre le représentant du MESRSI et de la FAO. Les deux intervenants ont unanimement reconnu les acquis significatifs engrangés par le projet CDAIS au Burkina Faso.
Aussitôt après la cérémonie d’ouverture, les participants ont suivi plusieurs communications en plénière. La première communication a été consacrée à la présentation du projet CDAIS. La deuxième a détaillé les méthodes et outils développés par le projet CDAIS pour accompagner l’innovation agricole. Enfin, les modalités pratiques d’organisation du MIA ainsi que les résultats attendus ont été explicités : les participants devront tourner de table en table au cours de deux séances de « world café » et remplir des fiches d’expression d’intérêt au fur et à mesure afin de manifester leur capacité ou volonté à accompagner l’une ou l’autre innovation.
Avant de démarrer, une présentation détaillée de la SIL « Microentreprises » a été adressée aux autorités ministérielles afin qu’elles puissent comprendre les enjeux du renforcement des capacités fonctionnelles des porteurs d’innovations avant de se retirer. Toutefois, leur vif intérêt les a poussé à prendre le temps de faire le tour des douze stands des services support de l’innovation et de prendre connaissance des structures particulièrement innovantes telles que Agridata, qui proposent des solutions connectées pour la gestion de données agricoles, Unicom, spécialisée dans la télé-irrigation ou Orabank qui proposent des produits financiers qui peuvent intéresser les petites entreprises.
Le MIA s’est déroulé en quatre temps, qui ont été orchestrés avec efficacité par M. François Lompo (ex-ministre de l’agriculture) : l’ouverture officielle en présence des autorités, la présentation des besoins d’appui par les SIL, la présentation des offres d’appui par douze services support sélectionnés minutieusement et l’identification des intérêts convergents entre offreurs et demandeurs d’appui.
Le « world café » des SIL (Demandeurs)
Les participants ont été répartis en six groupes de dix personnes en moyenne. Chaque groupe a été invité à s’asseoir autour de la table dédiée à une SIL avec pour objectif de manifester leurs intérêts ou non de l’accompagner, après avoir écouté pendant quinze minutes le représentant de la SIL défendre la pertinence de l’innovation et leur besoin d’appui.
Toutes les vingt minutes, les participants ont été invités à changer de table pour écouter une nouvelle SIL.
Chaque SIL était représentée d’une part par un leader issu de l’une des organisations porteuses de l’innovation et un « facilitateur de l’innovation », dont la mission est d’appuyer le réseau d’acteurs de la SIL dans toutes leurs activités de renforcement de capacité financées par CDAIS. Lors des présentations, les facilitateurs ont beaucoup insisté sur les forces de la SIL et non sur ses faiblesses, afin de convaincre les potentiels partenaires. Le duo facilitateur-leader a été très efficace car assurant une bonne combinaison entre explications théoriques et pratiques des plans d’accompagnement auprès d’un public souvent non averti, qui découvre à la fois les enjeux de l’appui à l’innovation agricole et les besoins concrets des acteurs en situation d‘innovation. Par ailleurs, les facilitateurs ont adopté une posture proactive au cours de leurs présentations, ce qui a témoigné de leur bonne maîtrise du sujet et a rassuré les participants, les incitant à s’engager.
Après 2h30, toutes les fiches d’expression d’intérêt ont été collectées, saisies dans une base de données et traitées pour identifier les potentiels partenariats. Cette tâche a été assurée par une équipe de trois personnes supervisée par la personne chargée de Suivi-Evaluation et Capitalisation des activités de renforcement de capacités du projet CDAIS. Les membres de l’équipe ont pris leur déjeuner sur la table de travail afin de gagner du temps.
World café des services supports à l’innovation (Offreurs)
Douze structures offrant des services supports ont été invitées à présenter leurs offres de services au MIA. Ces douze structures ont été sélectionnées préalablement avec l’aide d’un expert en renforcement de capacité. Les six groupes de la matinée ont été divisés en douze groupes qui également devaient tourner tous les dix minutes d’un stand à l’autre pour prendre connaissance de toute l’offre d’appui.
Chaque participant a été invité à renseigner une nouvelle fiche d’expression d’intérêts pour financer un service pour une SIL donnée ou pour bénéficier de l’un des services proposés.
Après 3h d’échanges, l’équipe du projet a collecté les fiches renseignées, saisies directement dans une base de données afin d’analyser l’adéquation entre l’offre et la demande
Restitution et clôture du MIA
Les résultats du MIA ont fait l’objet d’une restitution en plénière. 256 fiches d’expression d’intérêt ont été enregistrées et analysées. 79% des organisations présentes étaient favorables à l’accompagnement des SIL. Les SIL portant sur l’entreprenariat familial, le conseil agricole et le label BioSPG ont reçu le plus d’intérêt à être accompagnées par les participants (cf. graphique ci-joint).
Les principales catégories d’appui que les participants désirent apporter aux SIL sont :
- Faciliter l’accès aux ressources financières et produits de micro assurance,
- Aider à la diffusion-dissémination de l’innovation à large échelle,
- Renforcer l’innovation dans les exploitations agricoles,
- Appuyer la conception et l’expérimentation de nouveautés techniques,
- Appuyer la mise sur le marché des produits agro-alimentaires innovants,
- Appuyer l’incubation d’entreprises innovantes
Par ailleurs, 86% des participants ont jugé pertinents les services support présentés et ont souhaité qu’ils soient mobilisés pour accompagner les SIL.
La cérémonie de clôture a été marquée par un échange de brefs discours entre le coordonnateur du projet CDAIS Burkina Faso et un représentant de la FAO venu de Rome.
Ils ont remercié l’ensemble des participants pour leurs riches participations et l’intérêt porté au MIA. Ils ont invité les participants à toujours rester disponibles et à s’impliquer davantage dans la mise en œuvre du projet CDAIS.
Le MIA a pris fin à 18h45, il restait toujours plus de soixante personnes hormis les représentants des structures de services supports et l’équipe CDAIS.
Les contacts personnalisés entre offreurs et demandeurs ont été pris. De nombreuses cartes de visite ont été échangées pour organiser de prochains RDV d’affaire. Les services support et les bailleurs sont repartis avec un livret détaillé des plans d’accompagnement des SIL pour approfondir leur positionnement et leur offre d’appui. Le succès des innovations présentées est maintenant entre leurs mains ! C’est avec une belle humeur que le MIA a pris fin en début de soirée.
Quelles leçons tirer de cette première ?
L’organisation du MIA a été appréciée par la plupart des participants.
En effet, 89% des participants ont reconnu que le MIA a été bien organisé comme le témoigne le graphique 2.
De plus, 97% des participants trouvent que le MIA est un moyen efficace pour nouer des partenariats avec d’autres acteurs car il constitue une approche innovante pour provoquer des rencontres inédites et l’envie de collaborer pour la réussite de l’innovation agricole. Le MIA a été d’un apport considérable pour les participants. L’évaluation à chaud du MIA a révélé que 84% des participants ont noué de nouveaux contacts à travers les échanges de cartes de visite, 75% ont acquis de nouvelles connaissances, 56% ont noué des partenariats avec d’autres participants, 51% ont accru la visibilité de leur structure et 33% ont obtenu des rendez-vous avec des partenaires clés.
Ainsi, le Marché des Innovations Agricoles a été une réussite au Burkina Faso. Le MIA a atteint ses objectifs par la qualité des participants qui étaient en majorité des personnes d’influence (directeurs de service ou d’entreprise, chefs de cabinet, leaders, élus) et sont dans la grande majorité restés jusqu’à la fin du MIA. Le nombre d’expressions d’intérêt à collaborer avec les SIL enregistré , les retours positifs des structures invitées ainsi que le nombre de contacts pris lors d’événements sont de bons indicateurs de cette réussite.
A quoi tient le succès du MIA ?
Des foires à l’innovation ou des B2B dédiés à l’agriculture ont déjà eu lieu au Burkina. Le MIA était différent, de par ses objectifs et son organisation.
Les objectifs étaient très ciblés, sur la mise en œuvre des plans d’accompagnement de six situations d’innovations agricoles reconnues comme prioritaires lors d’un atelier national tenu en 2015 au lancement du projet CDAIS.
Les participants ont été sélectionnés sur des critères d’adéquation entre leurs activités, leurs compétences, leurs ressources et les besoins des SIL.
Les participants étaient très bien préparés. D’un côté les acteurs des SIL avaient préparé depuis plusieurs mois leur plan d’accompagnement suite à une série d’ateliers d’auto-évaluation, avec l’appui de leur facilitateur. Des documents pédagogiques avaient été préparés et imprimés pour être distribués. Des échantillons des produits innovants ont été apportés. Les facilitateurs et les leaders des SIL étaient entrainé à présenter de façon convaincante ces plans en public. Pas de place à l’improvisation ! De l’autre côté, les organisations sélectionnées pour proposer des services support à l’innovation avaient été briefée par un expert, pour cibler les informations à donner le jour du marché, être clair et concis, et illustrer au mieux par des supports de communication leur offre de service. Une simulation a été faite la veille du MIA.
Enfin, une équipe technique « sur le pont » le jour J. Animation, explication des règles du marché, distribution, collecte et saisie des fiches, analyses à chaud, autant de tâches qui doivent être parfaitement exécutées pour éviter les temps morts et maintenir la dynamique !